I-can-see-you

Comme le titre ne l'indique pas, ici on parle de livres !

Lundi 27 août 2012 à 14:58

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¤ Résumé ¤

"La photo en noir et blanc d'une petite fille en maillot de bain foncé, sur une plage de galets. En fond, des falaises. Elle est assise sur un rocher plat, ses jambes robustes étendues bien droites devant elle, les bras en appui sur le rocher, les yeux fermés, la tête légèrement penchée, souriant. Une épaisse natte brune ramenée par-devant, l'autre laissée dans le dos. Tout révèle le désir de poser comme les stars dans Cinémonde ou la publicité d'Ambre Solaire, d'échapper à son corps humiliant et sans importance de petite fille. Au dos : août 1949, Sotteville-sur-Mer." Au travers de photos et de souvenirs laissés par les événements, les mots et les choses, Annie Ernaux nous fait ressentir le passage des années, de l'après-guerre à aujourd'hui. En même temps, elle inscrit l'existence dans une forme nouvelle d'autobiographie, impersonnelle et collective.

¤ Mon Avis ¤
 
 

           Avec Les années, Annie Ernaux nous brosse un portrait de la période de l'après-guerre à aujourd'hui, cependant là où elle innove, c'est que dans cette autobiographie atypique, elle n'évoque pas uniquement sa propre vie, mais plutôt l'atmosphère d'une époque, les images fortes que n'importe qui a pu vivre dans ces années. C'est une autobiographie impersonnelle, utilisant le ''on'', qui décrit les grands bouleversements du temps qu'elle raconte, les changements de mode de pensée, les mutations de la société. Cependant ce n'est pas un cours d'histoire : Annie Ernaux raconte bien les événements passés du point de vue de la population, insistant bien sur le fait que parfois les grands événements suscitaient l'indifférence générale du peuple, plutôt préoccupé par la vie quotidienne.

           C'est ça le grand intérêt du livre : plutôt qu'une description trop externe de l'Histoire, l'auteur nous immerge dans sa vie de l'époque, ce qu'elle était vraiment au quotidien, le tabou encore très présent sur le sexe dans les années soixante, le basculement de la société dans la consommation effrénée, le ressenti de la population sur mai 68, etc.. On se sent vraiment vivre cette époque, on la ressent d'une façon que je n'avais jamais expérimenté avant. J'ai d'ailleurs vraiment adoré la première partie du livre parce qu'on expérimente les années 50/60, qui sont des années assez fascinantes parce que le mode de vie est très différent de ce qu'il est maintenant, et que des changements majeurs interviennent à cette époque (révolution sexuelle, mai 68, etc..), c'est vraiment une époque qui m'intéresse et que j'ai aimé découvrir de l'intérieur comme l'auteur nous le propose dans le livre. Ce qui rend le livre aussi riche en souvenirs par ailleurs, c'est l'accumulation d'images qu'Annie Ernaux propose, des images significatives de l'époque, qui se succèdent ligne par ligne, des petites phrases décrivant des scènes banales de la vie de l'époque mais qui pour nous sont tellement éloignées, des visions marquantes d'une époque, des films... C'est un façon on ne peut plus efficace de nous faire visualiser ce qu'elle a vécu, et de plus son écriture est vraiment très belle.

           J'ai par contre moins apprécié la deuxième moitié du livre : elle reste certes intéressante, mais la société abordée (à partir des années 70) m'est beaucoup moins inconnue, même si je n'y ai pas vécu, j'ai eu l'impression que tous les faits sociaux survenus (la migration des villes vers l'espace péri-urbain, la vie politique de l'époque) avait été abordés dans mes cours d'histoire et j'ai finalement découvert peu de choses que je ne savais pas. Le vrai charme du livre était pour moi de découvrir ces années colorées de 50/60, le reste était pour moi plus terre à terre, plus ancré dans la réalité qui est quasiment celle d'aujourd'hui. Je ne dis pas que la qualité est moins bonne, si vous connaissez mal l'époque à partir de 70 vous en apprendrez beaucoup sur l'atmosphère de ces années (comme moi pour les début du livre), c'est juste que pour moi c'était un peu du déjà-vu donc moins intéressant, et honnêtement j'étais pressée de le finir sur la fin.

           J'ajoute aussi qu'Annie Ernaux glisse quelques bribes de sa vie réellement personnelle, en nous décrivant des photos de son enfance, en nous tenant au courant au fil du livre de l'évolution de sa vie parallèlement à celle du monde. Elle nous fait aussi part de son angoisse du temps qui passe, de sa volonté d'écrire ce livre, et j'ai trouvé ça plutôt intéressant.

           Bref, si vous êtes intéressé par l'histoire de la France à partir de l'après-guerre, si vous voulez lire une autobiographie fraîche et très bien écrite, surtout n'hésitez pas. C'était le premier Annie Ernaux que je lisais, apparemment elle écrit surtout des autobiographies, donc pourquoi pas un autre une prochaine fois !

Lundi 16 juillet 2012 à 0:52

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Résumé :

Marcel Pagnol raconte, en qualité de témoin, les personnages de son enfance et la vie dans la famille d'un instituteur d'Aubagne, qui va s'animer avec la location d'une bastide dans la garrigue de l'arrière-pays marseillais où ils vont passer les grandes vacances. Cette villa dont rêve Marcel depuis toujours se nommera la Bastide neuve, il y passera les plus beaux jours de sa vie.

On y voit comment le petit Marcel parvient à épanouir peu à peu sa personnalité, celle d’un fils aîné de Provence, passionné par la lecture et les aventures dans les collines, partagé entre son amour exclusif pour la belle couturière, éternelle jeune fille incarnée par Augustine, qui sera une mère tendre et discrète, et l’admiration pour son père, Joseph le maître d’école, anticlérical et anti-alcoolique, mais profondément humain. Il ne deviendra complètement son héros qu’en lui prouvant qu’il aime autant que lui ses chères collines, glorifié par un exploit de chasse. L’enfant se débat entre ses rêves et les découvertes parfois angoissantes de la réalité du monde où il vit : Les adultes peuvent aussi mentir...

Sentir qu’il est aimé et entouré, parvenir à être fier de ses parents et de lui-même est le défi même de cette belle et poignante histoire.... à la fois unique et universelle.

Mon Avis :

             La Gloire de mon Père ne m'était pas tout à fait inconnu : j'ai déjà vu à de nombreuses reprises le film dans mon enfance, et j'ai donc redécouvert des choses familières en lisant ce livre. Marcel Pagnol nous livre là ses souvenirs d'enfance, et plus particulièrement ses premières vacances d'été avec sa famille. C'est un livre que je conseille vraiment à lire l'été : il est rafraîchissant, simple, court et simple à lire, bref un livre à lire entre deux livres plus gros, qui fait du bien ! Cette impression de quelque chose de frais vient bien sûr du fait que l'histoire est raconté du point de vue de Marcel enfant, j'ai d'ailleurs a de nombreuses reprises sourit à certains passages, parce que l'auteur restitue d'une façon assez drôle les pensées naïves que les enfants peuvent avoir sur la réalité. L'écriture est assez simple, fluide, quoiqu'il y a quelques mots dont je connaissais pas la signification (mais que j'ai eu la flemme de chercher). La lecture rapide vient aussi du fait que les « chapitres » sont extrêmement courts, quelques pages au plus, et ainsi on les avale sans s'en rendre compte et la curiosité nous pousse à continuer ! De toute façon j'aime bien les autobiographies, c'est toujours assez dépaysant dans un sens, et ce livre nous emporte bien dans la campagne marseillaise d'il y a un siècle. Le début du livre ne traite pas encore tout à fait des vacances mais décrit la famille de Marcel, la façon dont l'oncle et la tante se rencontrés par exemple, c'est assez plaisant. Il y a aussi quelques nuances plus sérieuses que je n'avais pas saisi dans le film (j'étais trop jeune ou le film n'en parlait pas, je ne me souviens plus), comme l'engagement laïc du père, le rejet de l'Eglise, que Marcel Pagnol nous explique bien. Les quelques pages du début où il explique les raisons qu'ils l'ont poussé à écrire cette autobiographie m'ont bien plu aussi.

            En fait je n'ai pas grand chose de plus à dire sur ce livre, déjà parce qu'il est assez court, parce qu'il n'y a aucun intérêt à ce que je vous raconte plus en détail l'histoire, ce n'est pas un livre qui restera forcément gravé dans les annales pour moi, il n'apporte rien de spectaculaire (en même temps comme je vous ai dit, je connaissais déjà assez bien l'histoire par le film, qui m'a l'air assez fidèle d'après mes souvenirs d'ailleurs) mais il est très sympa à lire et rafraîchissant, donc n'hésitez pas. Pour ma part je ne sais pas si je lirai la suite (les Souvenirs d'enfance de Marcel Pagnol sont composés de quatre tomes), peut-être un jour, mais ce n'est pas dans mes priorités.




Samedi 23 juin 2012 à 22:35

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Résumé :
 

C'était l'été où Coltrane est mort, l'été de l'amour et des émeutes, l'été où une rencontre fortuite à Brooklyn a guidé deux jeunes gens sur la voie de l'art, de la ténacité et de l'apprentissage. Patti Smith deviendrait poète et performeuse, et Robert Mapplethorpe, au style très provocateur, se dirigerait vers la photographie. Liés par une même innocence et un même enthousiasme, ils traversent la ville de Brooklyn à Coney Island, de la 42e Rue à la célèbre table ronde du Max's Kansas City, où siège la cour d'Andy Warhol. En 1969, le couple élit domicile au Chelsea Hotel et intègre bientôt une communauté de vedettes et d'inconnues, artistes influents de l'époque et marginaux hauts en couleur. C'est une époque d'intense lucidité, les univers de la poésie, du rock and roll, de l'art et du sexe explosent et s'entrechoquent.
Immergés dans ce milieu, deux gamins font le pacte de toujours prendre soin l'un de l'autre. Romantiques, engagés dans leur pratique artistique, nourris de rêves et d'ambitions, ils se soutiennenet et se donnent confiance pendant les années de vache maigre.
Just Kids commence comme une histoire d'amour et finit comme une élégie, brossant un inoubliable instantané du New York des années 60-70, de ses riches et de ses pauvres, de ses paumés et de ses provocateurs. Véritable conte, il retrace l'ascension de deux jeunes artistes, tel un prélude à leur réussite.

Mon Avis :

              De son enfance dans le New Jersey à sa fuite vers New York, où elle espère trouver la liberté et une vie d'artiste, Just Kids est l'autobiographie où Patti Smith se concentre sur les années qu'elle a vécu avec son premier amour Robert (le bel éphèbe sur la couverture ci-dessus), leur vie, leurs déboires, etc. Pour ceux à qui le nom de Patti Smith n'évoque rien, elle est principalement connue pour son œuvre dans le milieu punk, mais elle est aussi très portée sur la poésie et l'écriture, d'où l'autobiographie que voici. Je connaissais assez peu Patti Smith en fait, à part la chanson Rock'n'Roll Nigger que j'adore, j'avais déjà entendu parler de sa passion pour Rimbaudt, mais concernant sa vie personnelle, nada. Mais bon, les biographies d'artistes du rock m'intéressent toujours, pour le côté un peu débauché (oui il sont souvent drogués quand même) et ça fait toujours plaisir de chopper plein d'anecdotes sur les groupes qu'on aime.

              Donc : le livre m'a vraiment beaucoup plu. Dès les premières pages on se sent happés par la vie de Patti (j'me permet de l'appeler par son prénom, ça ira plus vite), les petites anecdotes parfois drôles, parfois plutôt tragiques qu'elle distille sur son enfance. Et puis c'est le départ pour New York Patti le dit : elle ne veut pas d'une vie monotone à accumuler les boulots à la chaîne dans sa petite ville industrielle morose, elle veut d'une vie d'artiste, une vie de bohème, et c'est quasiment sans rien qu'elle va vers la grande ville. De là elle ne tardera pas à rencontrer Robert, l'homme qui deviendra son amour, avec qui elle écumera les galères, avec qui elle se consacrera uniquement à l'art des années durant.

              Ce qui rend ce livre captivant, c'est la vie d'artiste que Patti décrit : vivoter, ne pas savoir quoi manger, accumuler les petits boulots quand on ne vit pas de son art, passer son temps à créer, aller de rencontres en rencontres. Et des rencontres Patti en fait : avec son homme, elle passe quelques années de sa vie au Chelsea Hotel, où se sont côtoyés les plus grands artistes des 60-70s : la Beat Generation, Hendrix, Janis Joplin, ils font tous un détour à travers ces pages et c'est avec émerveillement qu'on découvre Hendrix attablé à côté de Patti dans un bar. Oui, à l'époque pour elle, c'était la vie de tous les jours. Ce livre est vraiment une façon unique d'émerger dans la culture rock, et l'art de l'époque, Wahrol est aussi fréquemment évoqué même si au final il apparaît peu. J'ai trouvé ça plutôt enrichissant et vraiment dépaysant, parfois on comprend mal ses choix (enfin moi en tout cas), comment expliquer qu'on plaque tout pour aller vivre à la rue sans aucune ressource (New York, seule la nuit en étant une fille c'est quand même pas la joie!), alors que Patti raconte elle même que son enfance était tout sauf traumatisante, avec une famille aimante, etc... Le livre permet de mieux comprendre ces choix, de se mettre dans la peau de quelqu'un qui a choisit de mener une vie instable, mais de vivre selon ses désirs, il dédramatise vachement le côté « on ne sait pas de quoi demain sera fait », les personnages le savent, mais l'apprécient et vivent avec. C'est un truc que je trouve assez dingue (ah, âme matérialiste), et justement j'ai bien aimé assister à cette vie de bohème, n'avoir de but que l'art... C'est vraiment un changement fort de mentalité par rapport à celle à laquelle on est habitués (enfin je veux dire, on recherche tous plus ou moins une certaine stabilité, une richesse minimum qui nous permette de vivre le mieux possible etc...) Dans le livre tout bouge, Patti change au moins cinq fois d'appart' dans tout le livre, et de fréquentations avec, etc... Et je trouve que ça nous fait un peu relativiser notre vie de tous les jours, un peu trop bien réglée : est-ce qu'on a vraiment besoin de tout ça ?

               Plus particulièrement sur Patti : comme je disais, je connaissais très peu son caractère, mais mon a priori sur la rockstar de base me laissait attendre une fille dévergondée, un peu droguée sur les bords, etc, bien au contraire Patti se révèle être un modèle de discrétion, très introvertie, plutôt douce, elle touche très peu à la drogue durant tout le livre (à son insu généralement en fait), bref, c'est ce qu'on appellerait une fille bien. J'ai beaucoup aimé son personnage (enfin, sa personne en fait). Robert est très attachant lui aussi, doux, lunaire, tendre, obnubilé uniquement sur son art, c'est l'homme idéal, si on omet certains penchants plus gênants pour Patti qu'il va commencer à avoir plus tard dans le livre. On accroche sans problème à leur histoire commune, au début histoire d'amour entre deux jeunes âmes bohèmes, qui va bien sûr rencontrer ses obstacles, et on suit avec intérêt l'évolution de leur relation, ses hauts, ses bas. Même si cette relation est extrêmement différente du début à la fin, on ne peut que les admirer d'avoir réussi à rester si proches tout ce temps. Les très nombreux passages sur l'art, la façon de créer des deux personnages sont vraiment intéressants aussi, même pour quelqu'un qui s'y connaît assez peu en la matière (heureusement, c'est quand même le sujet principal).

              Je dirai juste qu'il y a un petit temps où le livre m'a moins passionnée, c'est vers la fin, quand ils commencent vraiment à vivre de leur art en fait, Patti décrit surtout leur différents projets respectifs et les nouvelles personnes rencontrées (il faut avouer qu'on bout d'un moment, de toute façon, on en connaît aucune), c'est intéressant mais un peu moins folichon et captivant que le reste.

              C'est donc un livre que j'ai eu plaisir à lire, pour l'ouverture qu'il nous apporte sur la culture rock, artistique des jeunes telle que l'était vers les 60-70s, une expérience qu'on n'aurait pas pu vivre sans ce témoignage précieux de quelqu'un qui a tout vécu. Même si vous ne connaissez pas du tout Patti Smith n'hésitez pas à le lire, vous apprendrez beaucoup de choses, vous aurez comme moi envie de regarder des photos de Robert et d'aller réécouter les Doors. Voilà.



Et puis une petite vidéo de Patti pour finir, parce qu'il ne faut pas oublier que c'est un rockeuse quand même!


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